Article original
Incidence, prise en charge et coût des condylomes acuminés anogénitaux chez les femmes consultant leur gynécologue en FranceAnogenital warts incidence, medical management and costs in women consulting gynaecologists in France

https://doi.org/10.1016/j.gyobfe.2006.12.010Get rights and content

Résumé

Objectif

Les objectifs de cette étude sont d'estimer l'incidence et les coûts de traitement des condylomes acuminés, chez les femmes consultant leur gynécologue en 2005.

Patientes et méthodes

Une étude prospective observationnelle a été réalisée parmi un échantillon représentatif de gynécologues en France. Chaque investigateur devait inclure toutes les patientes présentant des condylomes acuminés sur une période de deux mois. Un questionnaire sur les données sociodémographiques des patientes, la description clinique des lésions, la prise en charge antérieure et actuelle du condylome acuminé, a été complété pour chaque patiente.

Résultats

Deux cent douze gynécologues ont participé à l'étude et ont inclus 263 patientes (75,3 % primomanifestations, 20,2 % récurrences et 4,5 % cas de résistance aux traitements). L'incidence annuelle en France a été estimée à 228,9/100,000 pour la population des femmes de 15–65 ans, correspondant à 47 755 cas annuels pris en charge par les gynécologues. Le coût moyen de traitement était de 482,70 et 342,40 € respectivement pour la société et l'assurance maladie. Le coût médical direct annuel de la prise en charge des patientes présentant des condylomes acuminés par les gynécologues a été estimé à 23 051 339 € dont 16 351 312 € pris en charge par l'assurance maladie.

Discussion et conclusion

Le nombre annuel de condylomes acuminés chez les femmes et les coûts de traitement associés sont conséquents en France. L'introduction d'un vaccin quadrivalent (type 6,11,16,18) comprenant les types de papillomavirus humains (HPV), responsables de 90 % des condylomes acuminés, permettrait de réduire significativement l'impact de cette pathologie.

Abstract

Objectives

The objectives of this study were to estimate the incidence of genital warts and treatment costs in women consulting gynaecologists in France in 2005.

Patients and methods

A prospective observational study was performed through a representative sample of gynaecologists. Investigators enrolled all patients seen with genital warts during a 2-month period. A questionnaire detailing socio-demographic characteristics, case description, patient's clinical profile, past/ current management, and treatment of genital warts was completed by the investigators.

Results

212 gynaecologists participated in the study. Questionnaires were completed for 263 patients including 198 (75.3%) new cases, 53 (20.2%) recurrent cases and 12 (4.5%) resistant cases. The overall incidence was estimated at 228.9/100,000 (female 15–65 year old population) corresponding to 47,755 cases annually managed by gynaecologists in France. The average treatment cost was 482.70 € for society and 342.40 € for third-party payers. The annual direct cost of genital warts management was estimated at 23,051,339 €, of which 16,351,312 € was funded by the French health care system.

Discussion and conclusion

The costs of treating genital warts are considerable. The introduction of a quadrivalent (type 6,11,16,18) Human Papillomavirus vaccine including types responsible for 90% of genital warts could potentially substantially reduce these costs.

Introduction

Les condylomes acuminés (CA) ou verrues génitales sont des manifestations cutanéomuqueuses dues à une infection par des papillomavirus humain (HPV). Ces virus appartiennent à la famille des Papillomaviridae et plus de 100 types d'HPV différents ont été identifiés, dont environ 30 ont un tropisme pour les sites génitaux et anaux [1]. Certains types d'HPV ont des propriétés oncogéniques et sont responsables de dysplasies cervicales légères à sévères (CIN 1, 2 et 3) ainsi que de nombreux cancers gynécologiques [2], [3], [4]. C'est le cas des types 16 et 18 qui sont classés à haut risque oncogénique et retrouvés dans plus de 70 % des cancers du col de l'utérus [5]. Il existe également des types dits à faible risque oncogénique, comme les types 6 et 11, qui sont responsables de plus de 90 % des condylomes acuminés et d'environ 10 % des néoplasies cervicales intraépithéliales légères (CIN 1) [6], [7], [8].

Les infections génitales à HPV sont très fréquentes et se transmettent par contact sexuel [9]. Aux États-Unis, 75 % des sujets âgés de 15 à 49 ans ont été exposés au moins une fois à un type d'HPV au cours de leur vie et environ 1 % de cette tranche d'âge a présenté des signes cliniques de CA [10], [11]. En Grande-Bretagne, les primomanifestations de CA représentaient 79 678 nouveaux cas en 2003, soit 6 % de tous les diagnostics réalisés dans les centres de prise en charge des maladies sexuellement transmissibles [12].

En France, des études menées par Lukasiewicz et al. ont estimé l'incidence annuelle des primomanifestations de CA prises en charge par les généralistes et les dermatologues à 107 pour 100 000 en population générale [13], [14]. Cependant, cette incidence semble être sous-estimée puisqu'elle n'inclut pas les CA pris en charge par les gynécologues, spécialistes suivant une part importante de femmes ayant des CA.

L'arrivée dans les années 1990 de la nouvelle classe pharmacologique des modificateurs de la réponse immunitaire pour le traitement topique des CA a permis de compléter l'arsenal thérapeutique existant. Les traitements physiques et les applications topiques d'agents chimiques cytotoxiques déjà disponibles nécessitent une observance assidue pour être efficaces et présentent fréquemment des effets indésirables ; les récidives ou les résistances aux traitements sont observées dans 20 à 30 % des cas [7], [15]. À ce jour, aucun travail récent n'a analysé la prise en charge en pratique clinique réelle des patients présentant un CA, en tenant compte des dernières avancées thérapeutiques et des coûts associés à cette prise en charge. Seule une étude économique française réalisée par Lafuma et al. a estimé les coûts de prise en charge des CA sur la base d'un modèle économique incluant trois options thérapeutiques possibles : l'imiquimod (agent topique modificateur de la réponse immunitaire), la podophyllotoxine (agent topique cytotoxique) et le traitement par laser (traitement physique) en cas d'inefficacité et/ou de récidive [16].

L'arrivée prochaine d'un vaccin prophylactique prévenant les CA, les lésions précancéreuses et cancéreuses dues aux HPV de types 6, 11, 16 et 18 permettra de repenser l'ensemble des stratégies de prévention de ces lésions [17], [18], [19]. Dans ce contexte, il est important de mettre à jour l'ensemble des données sur l'épidémiologie des CA ainsi que sur les coûts associés à leur prise en charge en France. Les objectifs de cette étude ont été de compléter les informations sur l'incidence, la prise en charge et les coûts des CA parmi les patientes consultant des gynécologues.

Section snippets

Patientes et méthodes

Une enquête prospective nationale multicentrique auprès de gynécologues a été réalisée en France entre le 1er mars et le 30 avril 2005. Toutes les patientes présentant un CA diagnostiqué au cours d'un examen clinique étaient incluses dans l'étude. Aucun examen complémentaire n'était requis. Sur la base d'études précédentes ayant estimé l'incidence des CA [13] et avec le souhait d'obtenir un intervalle de confiance (IC) représentant au plus 25 % du taux d'incidence estimé, il a été calculé que

Médecins investigateurs, nombre de patientes incluses et description des cas

Parmi les 1000 gynécologues sélectionnés aléatoirement et contactés, 212 ont accepté de participer à l'étude. Ces 212 médecins investigateurs étaient représentatifs de l'ensemble des gynécologues français selon les caractéristiques d'âge, de sexe, de mode d'exercice (hospitaliers ou libéraux) et de région d'exercice. Il n'y avait pas de différence statistiquement significative sur ces mêmes paramètres entre l'ensemble des médecins investigateurs et les 788 gynécologues ayant refusé de

Discussion

Cette enquête multicentrique observationnelle a permis pour la première fois d'estimer l'incidence, les consommations de soins et les coûts de prise en charge des CA chez les femmes consultant un gynécologue en France. Ainsi, en 2005, on a estimé que 47 755 femmes ont consulté ce type de spécialiste pour un CA, représentant une incidence annuelle en population âgée entre 15 et 65 ans de 176,4 pour 100 000 (IC 95 % = [141,1–211,6]) pour les primomanifestations et de 47,9 pour 100 000 (IC 95 % = 

Conclusion

Les condylomes acuminés dans la population féminine en France représentent une affection commune et onéreuse. L'introduction d'un vaccin quadrivalent contre les types 6, 11 16 et 18 [30], [31] permettra de protéger contre 90 % des condylomes acuminés, permettant ainsi de réduire significativement l'impact de cette pathologie.

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      Citation Excerpt :

      The explanation for this discrepancy is also the main limitation of our study: selection bias. As we know the incidence of both genital warts and HR-HPV infection peaks at younger ages (Table 2) [15–18], especially below 20–25 years of age, and our patients are at the youngest age bracket [14,21,23]. We must also recognize that the study group was a geographically restricted sample of patients who voluntarily attended the gynecology clinic and they were probably at a higher risk for sexually transmitted infections.

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    Cette étude a été menée avec le soutien du laboratoire Sanofi Pasteur MSD.

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