Article originalIncidence, prise en charge et coût des condylomes acuminés anogénitaux chez les femmes consultant leur gynécologue en FranceAnogenital warts incidence, medical management and costs in women consulting gynaecologists in France☆
Introduction
Les condylomes acuminés (CA) ou verrues génitales sont des manifestations cutanéomuqueuses dues à une infection par des papillomavirus humain (HPV). Ces virus appartiennent à la famille des Papillomaviridae et plus de 100 types d'HPV différents ont été identifiés, dont environ 30 ont un tropisme pour les sites génitaux et anaux [1]. Certains types d'HPV ont des propriétés oncogéniques et sont responsables de dysplasies cervicales légères à sévères (CIN 1, 2 et 3) ainsi que de nombreux cancers gynécologiques [2], [3], [4]. C'est le cas des types 16 et 18 qui sont classés à haut risque oncogénique et retrouvés dans plus de 70 % des cancers du col de l'utérus [5]. Il existe également des types dits à faible risque oncogénique, comme les types 6 et 11, qui sont responsables de plus de 90 % des condylomes acuminés et d'environ 10 % des néoplasies cervicales intraépithéliales légères (CIN 1) [6], [7], [8].
Les infections génitales à HPV sont très fréquentes et se transmettent par contact sexuel [9]. Aux États-Unis, 75 % des sujets âgés de 15 à 49 ans ont été exposés au moins une fois à un type d'HPV au cours de leur vie et environ 1 % de cette tranche d'âge a présenté des signes cliniques de CA [10], [11]. En Grande-Bretagne, les primomanifestations de CA représentaient 79 678 nouveaux cas en 2003, soit 6 % de tous les diagnostics réalisés dans les centres de prise en charge des maladies sexuellement transmissibles [12].
En France, des études menées par Lukasiewicz et al. ont estimé l'incidence annuelle des primomanifestations de CA prises en charge par les généralistes et les dermatologues à 107 pour 100 000 en population générale [13], [14]. Cependant, cette incidence semble être sous-estimée puisqu'elle n'inclut pas les CA pris en charge par les gynécologues, spécialistes suivant une part importante de femmes ayant des CA.
L'arrivée dans les années 1990 de la nouvelle classe pharmacologique des modificateurs de la réponse immunitaire pour le traitement topique des CA a permis de compléter l'arsenal thérapeutique existant. Les traitements physiques et les applications topiques d'agents chimiques cytotoxiques déjà disponibles nécessitent une observance assidue pour être efficaces et présentent fréquemment des effets indésirables ; les récidives ou les résistances aux traitements sont observées dans 20 à 30 % des cas [7], [15]. À ce jour, aucun travail récent n'a analysé la prise en charge en pratique clinique réelle des patients présentant un CA, en tenant compte des dernières avancées thérapeutiques et des coûts associés à cette prise en charge. Seule une étude économique française réalisée par Lafuma et al. a estimé les coûts de prise en charge des CA sur la base d'un modèle économique incluant trois options thérapeutiques possibles : l'imiquimod (agent topique modificateur de la réponse immunitaire), la podophyllotoxine (agent topique cytotoxique) et le traitement par laser (traitement physique) en cas d'inefficacité et/ou de récidive [16].
L'arrivée prochaine d'un vaccin prophylactique prévenant les CA, les lésions précancéreuses et cancéreuses dues aux HPV de types 6, 11, 16 et 18 permettra de repenser l'ensemble des stratégies de prévention de ces lésions [17], [18], [19]. Dans ce contexte, il est important de mettre à jour l'ensemble des données sur l'épidémiologie des CA ainsi que sur les coûts associés à leur prise en charge en France. Les objectifs de cette étude ont été de compléter les informations sur l'incidence, la prise en charge et les coûts des CA parmi les patientes consultant des gynécologues.
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Patientes et méthodes
Une enquête prospective nationale multicentrique auprès de gynécologues a été réalisée en France entre le 1er mars et le 30 avril 2005. Toutes les patientes présentant un CA diagnostiqué au cours d'un examen clinique étaient incluses dans l'étude. Aucun examen complémentaire n'était requis. Sur la base d'études précédentes ayant estimé l'incidence des CA [13] et avec le souhait d'obtenir un intervalle de confiance (IC) représentant au plus 25 % du taux d'incidence estimé, il a été calculé que
Médecins investigateurs, nombre de patientes incluses et description des cas
Parmi les 1000 gynécologues sélectionnés aléatoirement et contactés, 212 ont accepté de participer à l'étude. Ces 212 médecins investigateurs étaient représentatifs de l'ensemble des gynécologues français selon les caractéristiques d'âge, de sexe, de mode d'exercice (hospitaliers ou libéraux) et de région d'exercice. Il n'y avait pas de différence statistiquement significative sur ces mêmes paramètres entre l'ensemble des médecins investigateurs et les 788 gynécologues ayant refusé de
Discussion
Cette enquête multicentrique observationnelle a permis pour la première fois d'estimer l'incidence, les consommations de soins et les coûts de prise en charge des CA chez les femmes consultant un gynécologue en France. Ainsi, en 2005, on a estimé que 47 755 femmes ont consulté ce type de spécialiste pour un CA, représentant une incidence annuelle en population âgée entre 15 et 65 ans de 176,4 pour 100 000 (IC 95 % = [141,1–211,6]) pour les primomanifestations et de 47,9 pour 100 000 (IC 95 % =
Conclusion
Les condylomes acuminés dans la population féminine en France représentent une affection commune et onéreuse. L'introduction d'un vaccin quadrivalent contre les types 6, 11 16 et 18 [30], [31] permettra de protéger contre 90 % des condylomes acuminés, permettant ainsi de réduire significativement l'impact de cette pathologie.
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Vulvar intraepithelial neoplasia: Classification, epidemiology, diagnosis, and management
2020, Journal of Gynecology Obstetrics and Human ReproductionLoss of chance associated with sub-optimal HPV vaccination coverage rate in France
2017, Papillomavirus ResearchCitation Excerpt :Data on the incidence of CIN1, CIN2+ were obtained from Bergeron [31]. Data on the incidence of genital warts was obtained from Monsonego et al. [46]. The target incidences were calculated by multiplying the overall incidence and mortality rates by the proportions of diseases attributable to HPV infection found in the literature (Supplementary table 9) [3,47,48].
Rates and predictors of genital warts burden in the czech population
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2014, Medecine et Maladies InfectieusesIncidence of genital warts in adolescents and their association with cervical intraepithelial lesions
2013, European Journal of Obstetrics and Gynecology and Reproductive BiologyCitation Excerpt :The explanation for this discrepancy is also the main limitation of our study: selection bias. As we know the incidence of both genital warts and HR-HPV infection peaks at younger ages (Table 2) [15–18], especially below 20–25 years of age, and our patients are at the youngest age bracket [14,21,23]. We must also recognize that the study group was a geographically restricted sample of patients who voluntarily attended the gynecology clinic and they were probably at a higher risk for sexually transmitted infections.
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Cette étude a été menée avec le soutien du laboratoire Sanofi Pasteur MSD.