Pratique professionnelle
Infection par le VIH et grossesse : nouvelles recommandations 2013 du groupe d’experts françaisHIV and pregnancy: 2013 guidelines from the French expert working group

https://doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.01.006Get rights and content

Résumé

Avec un traitement antirétroviral efficace, le risque de transmission mère–enfant (TME) est aujourd’hui inférieur à 1 %. Les recommandations françaises de 2013 privilégient un traitement antirétroviral précoce et à vie. Ainsi, la tendance actuelle pour les femmes infectées par le VIH est de prendre une trithérapie antirétrovirale avant, pendant et après leurs grossesses. Une question majeure aujourd’hui est le choix des antirétroviraux, pour optimiser les bénéfices et minimiser les risques liés à l’exposition du fœtus. Le suivi d’une femme enceinte infectée par le VIH doit donc être interdisciplinaire. L’utilisation de traitements efficaces permet une modification progressive mais profonde des pratiques obstétricales. Lorsque la charge virale plasmatique maternelle est contrôlée (< 50 copies/ml), on peut désormais autoriser des attitudes obstétricales se rapprochant de plus en plus de celles appliquées chez les des femmes non infectées. La césarienne prophylactique reste recommandée lorsque la charge virale en fin de grossesse est supérieure à 400 copies/mL. La perfusion de zidovudine pendant l’accouchement est recommandée uniquement si la dernière charge virale maternelle est supérieure à 400 copies/mL ou en cas de complication obstétricale, telle qu’un accouchement prématuré, une hémorragie ou une chorio-amniotite pendant le travail. En cas de rupture prématurée des membranes avant 34 SA, la décision multidisciplinaire doit se fonder sur l’âge gestationnel et le contrôle de la charge virale maternelle ; si la femme est traitée par antirétroviraux et surtout si sa charge virale est indétectable, il convient de privilégier la corticothérapie maturative sous antibioprophylaxie et éviter une naissance très prématurée, sauf au moindre signe de chorio-amniotite. L’allaitement au sein reste déconseillé chez la femme vivant avec le VIH en France, comme dans les pays industrialisés. La prophylaxie chez le nouveau-né est habituellement la zidovudine pendant 1 mois ; en cas d’exposition importante au VIH en période périnatale notamment charge virale maternelle > 1000 copies/ml, une trithérapie prophylactique est recommandée. Le suivi de l’enfant est nécessaire pour déterminer s’il est indemne ou non de l’infection à VIH et pour surveiller d’éventuels effets indésirables liés à l’exposition périnatale aux médicaments antirétroviraux.

Summary

With effective antiretroviral therapy, the risk of mother to child transmission (MTCT) is now under 1%. The 2013 French guidelines emphasize early antiretroviral lifelong antiretroviral therapy. Thus, the current trend for women living with HIV is to take antiretroviral therapy before, during and after their pregnancies. A major issue today is the choice of antiretroviral drugs, to maximize the benefits and minimize the risks of fetal exposure. This requires interdisciplinary care. The use of effective therapies permits gradual but profound changes in obstetric practice. When maternal plasma viral load is controlled (<50 copies/ml), obstetrical care can be more similar to standards in HIV-negative women. Prophylactic cesarean section is recommended when the viral load in late pregnancy is above 400 copies/mL. Intravenous zidovudine during labor is recommended only if the last maternal viral load is > 400 copies/mL or in case of complications such as preterm delivery, bleeding or chorio-amnionitis during labor. In case of premature rupture of membranes before 34 weeks, a multidisciplinary decision should be made, based on gestational age and control of maternal viral load; if the woman is under antiretroviral therapy and especially if her viral load is undetectable, steroids and antibiotics should be offered and pregnancy can be continued except in case of signs or symptoms of chorio-amnionitis. Breastfeeding is not recommended in women living with HIV in France, as in industrialized countries. Prophylaxis in the newborn is usually zidovudine for 1 month. In case of significant exposure to HIV perinatally, in particular when, maternal viral load is > 1000 copies/mL, prophylactic combination therapy is recommended. Monitoring of the child is necessary to determine whether or not it is free of HIV infection and to monitor possible adverse effects of perinatal exposure to antiretroviral drugs.

Introduction

Avoir des enfants est une aspiration légitime pour les personnes vivant avec le VIH. Grâce aux traitements antirétroviraux, leur espérance de vie rejoint celle de la population générale et le risque de transmission mère–enfant (TME) est inférieur à 1 %.

Les nouvelles recommandations françaises [1] privilégient un traitement antirétroviral précoce et à vie. Cela améliore le pronostic de la personne vivant avec le VIH et réduit son risque de transmettre le virus lors des rapports sexuels. Ainsi, la tendance actuelle pour les femmes infectées par le VIH est de prendre un traitement antirétroviral, avant, pendant et après leurs grossesses. Le chapitre « Désir d’enfant et grossesse » aborde le projet d’enfant (prise en charge pré-conceptionnelle, place de l’assistance médicale à la procréation et de la procréation naturelle), le dépistage du VIH dans le cadre de la procréation, la contraception et l’interruption volontaire de grossesse, la grossesse, le nouveau-né d’une mère infectée par le VIH. Nous présentons ici les recommandations concernant la grossesse.

Une question majeure aujourd’hui est le choix des antirétroviraux, pour optimiser les bénéfices et minimiser les risques liés à l’exposition du fœtus. Ainsi, le suivi d’une femme enceinte infectée par le VIH doit plus que jamais être interdisciplinaire. Nous présenterons ici les grands principes du traitement antirétroviral pendant la grossesse, en renvoyant le lecteur au rapport complet disponible en ligne [1] pour les précisions sur les différents médicaments antirétroviraux.

L’utilisation de traitements efficaces permet une modification progressive mais profonde des pratiques obstétricales. Lorsque le contrôle virologique est bon, on peut désormais se permettre des attitudes obstétricales se rapprochant de plus en plus de celles appliquées chez les femmes non infectées.

Point fort 1 : chez une femme vivant avec le VIH, la grossesse doit être considérée comme une grossesse à risque nécessitant une prise en charge multidisciplinaire.

Section snippets

Dépistage du VIH et procréation

Le dépistage du VIH chez les deux membres du couple doit être encouragé à toute consultation ayant trait à la procréation : grossesse, consultation pré-conceptionnelle, infertilité, contraception, interruption volontaire de grossesse.

Prise en charge pré-conceptionnelle de la femme vivant avec le VIH

Le désir de grossesse, pas toujours explicite, doit être évoqué chez toute femme en âge de procréer.

Le praticien doit répondre aux questions du couple et lui fournir des informations fondamentales :

  • les modalités de procréation sont de trois types : naturelle, par auto-insémination et/ou par AMP ;

  • la grossesse n’est pas un facteur aggravant l’évolution de l’infection par le VIH ;

  • le risque principal de transmission du virus de la mère à l’enfant peut être contrôlé par la prise régulière d’un

Préparation de la grossesse

Chez une femme sous traitement antirétroviral, il faut choisir des molécules compatibles avec la grossesse. Chez une femme qui n’est pas encore traitée, il faut discuter la mise en route d’un traitement antirétroviral pour trois raisons :

  • l’intérêt de la femme elle-même à long terme ;

  • réduire au maximum le risque de TME ;

  • réduire le risque de transmission au conjoint en cas de rapport sexuel sans préservatif. De plus, cela permet de s’assurer de la tolérance et de l’observance du traitement.

En cas

Grossesse

Aujourd’hui, la majorité des femmes enceintes vivant avec le VIH ont un traitement antirétroviral au long cours avant la grossesse. Sinon, le traitement est toujours indiqué pour la prévention de la transmission mère–enfant (TME).

Recommandations 2013 pour la prévention de la transmission mère–enfant

Le concept fondamental est d’utiliser un traitement antirétroviral dans tous les cas avec pour objectif l’obtention d’une charge virale indétectable. C’est le plus important des trois volets de prévention de la transmission, qui se déclinent : pendant la grossesse, pendant l’accouchement (période d’exposition maximal du fœtus au VIH) et chez le nouveau-né. Le traitement pendant la grossesse correspond au « TasP » (traitement antirétroviral comme prévention), celui à l’accouchement au PrEP

Conduites à tenir obstétricales

Certains facteurs obstétricaux sont associés au risque de TME en l’absence de traitement antirétroviral ou avec un traitement sub-optimal. En revanche, chez une femme qui a un bon contrôle virologique sous traitement antirétroviral, les risques autour de l’accouchement ne sont pas suffisants pour apparaître comme significatifs dans les études de cohorte. Il faut toutefois garder à l’esprit que les données disponibles concernent des pratiques très prudentes au cours des dernières années et, que

Allaitement

L’allaitement maternel reste contre-indiqué malgré l’accumulation de données en Afrique sur le faible risque de transmission de l’allaitement protégé par les antirétroviraux chez la mère ou chez l’enfant pendant toute la durée de l’allaitement [29]. L’allaitement artificiel demeure la seule prévention totalement efficace de la transmission postnatale par l’allaitement et, contrairement aux pays à ressources limitées, il ne pose pas de risque pour la santé de l’enfant dans les pays

Nouveau-né d’une mère infectée par le VIH

La prise en charge est détaillée dans le rapport d’experts [1]. Les grands objectifs sont d’assurer une prophylaxie post-exposition et un suivi de l’enfant. Le groupe d’experts recommande un traitement postnatal prophylactique par la zidovudine pendant 4 semaines. Ce traitement doit être renforcé dès la naissance, dans les situations à haut risque d’exposition au virus, à savoir :

  • mère n’ayant pas reçu de traitement durant la grossesse ;

  • ARN-VIH maternelle plasmatique > 1000 copies/mL à

Suivi de la femme dans le postpartum

Il est recommandé de poursuivre le traitement antirétroviral après l’accouchement quelque soit le nombre de lymphocytes CD4. En dehors du bénéfice individuel, le traitement diminue le risque de transmission sexuelle. Le traitement peut être modifié pour simplifier les prises, et doit tenir compte des interactions avec les contraceptifs et du souhait de futures grossesses. Dans de rares cas, l’arrêt du traitement antirétroviral est une alternative lorsque la femme l’a pris exclusivement comme

Déclaration d’intérêts

Les déclarations publiques d’intérêts de tous les auteurs sont disponibles sur http://www.cns.sante.fr/.

Références (30)

  • S. Heidari et al.

    Antiretroviral drugs for preventing mother-to-child transmission of HIV: a review of potential effects on HIV-exposed but uninfected children

    J Acquir Immune Defic Syndr

    (2011)
  • S.W.J. Blanche

    Tolérance des antirétroviraux durant la grossesse

    Med Sci (Paris)

    (2013)
  • L.J. Else et al.

    Pharmacokinetics of antiretroviral drugs in anatomical sanctuary sites: the fetal compartment (placenta and amniotic fluid)

    Antivir Ther

    (2011)
  • USPHS. http://aidsinfo.nih.gov/contentfiles/lvguidelines/Peri_Recommendations.pdf....
  • OMS.http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/70891/1/WHO_HIV_2012.6_fre.pdf....
  • Cited by (12)

    • Intrapartum use of zidovudine in a large cohort of pregnant women living with HIV in Italy

      2022, Journal of Infection
      Citation Excerpt :

      This reinforces how the maternal HIV-RNA load is the strongest factor influencing the probability of VT, as also highlighted by the analysis performed on the whole cohort of women. The other side of the issue is that more than 90% of women with HIV-RNA <50 copies after 34 weeks of pregnancy received IV ZDV, although not suggested by current guidelines, unless in case of doubtful ART adherence 3,4,12,13. IV ZDV during labour does not add significant benefit to the other measures for VT prevention for women with low HIV-RNA load 7,14,15, and although there is insufficient evidence to advise against its use in case of HIV-RNA load being below 1,000 copies/mL, the consensus on the uselessness of the intervention below 50 copies/mL is wide 3,4,12,13.

    • Hypoxia inducible factor one alpha and human viral pathogens

      2017, Current Research in Translational Medicine
      Citation Excerpt :

      Until today, HIV vaccines have failed to induce this level of mutation or stimulate the generation of broad neutralizing antibodies in uninfected individuals and more research is needed. Despite the lack of a vaccine and a cure, the use of antiretroviral therapies to control fetal-maternal transmission in HIV positive pregnant women [17] is a real achievement; with effective antiretroviral therapy, the risk of mother to child transmission is now under 1% and when maternal plasma viral load is controlled (< 50 copies/mL), obstetrical care can be more similar to standards in HIV-negative women. CD4+ T cells are the main target but not only target cells of HIV in vivo and in vitro infection but we must be cautious when we consider the place and the mechanism of death of the infected cells.

    • HIV infection and pregnancy

      2018, Aide Soignante
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